Comme Don-l'Évêque, l'autre domaine éloigné (vendu à Vauluisant en 1479 et détruit avant la Révolution), le Ruez (10-com. Droupt-Saint-Basle) est une grange de seconde génération qui n'a pas été fondée par l'Arrivour (cf. la carte du temporel de l'Arrivour IVR21_20151000503NUCA). Elle n'apparaît pas avant 1202, date à laquelle Herbert, doyen de Droupt, cède à l'abbaye sa grange de "Ruyes de Droth" avec ses dépendances. Cet acte est consigné dans le cartulaire au chapitre intitulé "de Valle Secure, Cardineti et Rivorum" (AD10, 4H1, acte XLI, f°70r). Les moines consacrent les 3 années suivantes à augmenter cette acquisition, notamment en 1203 en achetant les biens que le prieuré molesmien de l'Abbaye-sous-Plancy (10), alors en difficulté financière, avait autour de Droupt-Saint-Basle pour 75 £ provinois. (acte XXXIV et suiv.). Il faudra ensuite attendre 1230 pour que l'assise juridique du Ruez soit établie et que cessent les conflits et querelles générés par sa constitution au sujet des redevances, dîmes, cens et autres droits de pâturages. Comme souvent, appel est fait en la matière à l'autorité ecclésiastique séculière, en l'occurrence l'évêque Hervée en juin 1207 (acte XLVIII). De la même manière, Thibaut IV, comte de Champagne, émet en 1230 un acte important par lequel il renonce à toutes ses prétentions féodales sur la grange de Ruellus (qui est de sa mouvance) et entérine toutes les acquisitions faites par les moines ad opus grangie (acte XL). Cette collection d'une vingtaine d'actes résume bien les conditions de constitution d'un domaine grangier, fût-il créé ex-nihilo ou pas, et son mode d'insertion dans un tissu rural pré-existant.
Le Ruez doit vraisemblablement à son éloignement de n'avoir pas été conservé jusqu'à la Révolution, ni même d'ailleurs jusqu'à la séparation des menses. Les restructurations nécessaires imposées par les crises des XIVe et XVe siècles ont contraint les moines à rationaliser leur temporel et de se séparer de certains biens. Le Ruez aurait été vendu (d'après A. Roserot, Dict. hist. Champ. mérid., p. 1315) en 1596 à un seigneur laïque, Nicolas Largentier, et sans doute aliéné bien avant. La grange devint château seigneurial dont le domaine actuel doit être l'héritier plus ou moins fidèle. De fait, entre la demeure bourgeoise, dont le parc est encore ceinte de fossés, et la ferme adjacente contemporaine, plus rien ne rappelle la période cistercienne de ce domaine, pas même la petite chapelle isolée qui paraît nettement postérieure (ill. IVR21_20151000032NUCA et IVR21_20151000034NUCA).