La catégorie des usines textiles présentée ici comporte toutes les lieux où l'on traite et travaille les fibres textiles. Que ce soient des usines de tissage (37 sites), des usines de teinturerie (27 sites), des usines d'apprêt des étoffes (crêpage, empesage, lustrage, glaçage, gaufrage, etc ; 14 sites) ou de blanchiment (14 sites), des moulins à foulon pour le foulage des étoffes (11 sites) ; plus d'autres activités moins représentées : 3 usines de feutre, 1 usine de sparterie (usine où l'on fabrique des tapis, nattes, chapeaux, etc., en fibres végétales tressées :alfa, sisal, crin ; à Vouziers), et 1 usine de broderie mécanique (Sainte-Savine). Catégorie qui comprend bien entendu également toutes les usines textiles généralistes, accueillant sous leurs toits plusieurs activités complémentairement.
Ont été exclus par contre de cette présentation les 217 usines de bonneteries et les 85 filatures, qui constituent des domaines d'activité spécifiques et qui à ce titre sont étudiés séparément au sein d'autres textes de présentation.
Au total 116 sites correspondent à cette définition : 44 sites ardennais (soit 38 %), 40 sites marnais (34,5 %), 27 sites aubois (23 %), et 5 sites haut-marnais (4,5 %). Ce dernier département n'étant concerné qu'incidemment au travers de sites qui connurent aussi d'autres activités (peausserie, mécanique, scierie) et de 3 moulins (Laferté-sur-Aube, Perrancey-les-Vieux-Moulins, Vaux-sur-Blaise) qui ont servi à un moment de leur histoire à fouler le tissu.
Le travail du textile est une activité urbaine (ou péri-urbaine) dans 80 % des cas. Avec une exception notable : l'ensemble des sites du nord de la Marne situés le long de la rivière Suippe (Bétheniville, Pontfaverger, Warmeriville, Isles-sur-Suippe, Bazancourt, Boult-sur-Suippe et Suippes même), auquel on pourrait associer dans une certaine mesure les implantations du sud ardennais, notamment à Neuflize ; et qui constituent un grand secteur rural de forte tradition textile.
Les villes les plus représentées sont Sedan et sa périphérie (Balan, Bazeilles, Daigny, Floing) avec 36 sites dont 29 à Sedan même, Reims avec 27 sites (dont à proximité à Saint-Brice-Courcelles), Troyes et sa périphérie (Sainte-Savine notamment) avec 23 sites ; et dans une moindre mesure Romilly-sur-Seine (3 sites) avec tout proche 1 usine à Marcilly-sur-Seine (51).
Les localisations géographiques sont souvent assez tranchées entre activités :
- les usines de tissage sont marnaises à 60 % et surtout rémoises (11 sites) ou implantées dans la vallée de la Suippe (10 sites) ; et dans ce département sont la plupart du temps (86 %) associées à une filature. L'autre grand secteur concerné est le sedanais (11 sites), mais ici surtout dans le cadre d'une monoactivité (86 %). On trouve des usines de tissage dans les Ardennes aussi à Neuflize et à La Ferté-sur-Chiers ; à Sept-Saulx dans la Marne ; et dans l'Aube à Troyes.
- les usines textiles généralistes sont essentiellement localisées à Sedan et dans sa périphérie, à 80 % ; plus quelques-unes à Reims (4 sites), Pontfaverger, Sept-Saulx, Rethel (08). Les cas sedanais correspondent à des sites exclusifs, qui ne furent et ne devinrent rien autre qu'usine textile.- la teinturerie connaît une répartition à peine plus diversifiée, uniquement urbaine, majoritairement rémoise (48 %) et troyenne (30 %), un peu sedanaise (15 %). Et est parfois associée (5 cas) à l'activité de blanchiment.
- laquelle activité de blanchiment est elle aussi exclusivement urbaine, mais majoritairement de l'agglomération troyenne (64 % ; plus un autre site aubois, à Romilly-sur-Seine) et rémoise pour le reste (21,5 %). Les exemples aubois étant à mettre en relation avec la bonneterie, omniprésente dans ce département, et qui réclame une phase de blanchiment des textiles.
- la situation est assez comparable pour les usines d'apprêt des étoffes, qui sont auboises pour 64 % d'entre elles, et dans ce cas sont également associées à la bonneterie (la totalité des 5 sites de Troyes et de son agglomération par exemple) ; et rémoises pour 36 % (et ici souvent associées à la teinturerie).
- les moulins à foulon sont surtout ardennais (2 cas sur 3), notamment à Sedan ou alentours ; et l'on a déjà évoqué les cas particuliers haut-marnais.
- les usine de feutre enfin sont rémoises (2), mais avaient été des teintureries dans un premier temps ; plus une à Mouzon (08).
Les dates de création de ces entreprises, lorsqu'elles sont connues, s'échelonnent globalement, toutes activités confondues, du milieu du 19e siècle jusque dans les années 1920.
Le tissage marnais s'installe à Reims et dans la vallée de la Suippe essentiellement au cours du 3e quart du 19e siècle, et les grandes usines textiles sedanaises du 19e siècle plutôt vers 1870-1880. Les blanchisseries auboises datent soit du 19e siècle, après 1865, soit des années 1920. Le plus grand nombre des teintureries ardennaises sont assez anciennes de création (années 1820-1830, 1865), les exemples marnais un peu moins vieux (années 1850-1875-fin 19e siècle et années 1920), et ceux de l'Aube plus récents (fin 19e siècle et années 1920). La situation est assez comparable pour les usines d'apprêt des étoffes, qui sont de création globalement plus récente dans l'Aube (vers 1865 et 1880 mais surtout 1ère moitié du 20e siècle) que dans la Marne (milieu 19e siècle et vers 1880) ; ainsi que pour les usines de blanchiment auboises (vers 1865 et années 1920). Les moulins à foulon, structure plus archaïque, moins industrielle, respectent une autre chrono-logique et constituent souvent les sites les plus anciens du corpus, souvent du 18e siècle (5 cas), voire davantage (Vaux-sur-Blaise, 1550).
Les autres catégories comportent également quelques sites dont la création remonte exceptionnellement au-delà du milieu du 19e siècle (excepté pour les blanchisseries et usines d'apprêt dont les fondations ne sont pas antérieures). Pour le tissage, les premières mentions datent de 1823 (La Ferté-sur-Chiers, 08), et à Reims de 1805 (tissage du Mont-Dieu) et 1834 (tissage des Capucins). Les premières teintureries connues datent pareillement des années 1820 et 1830 et sont ardennaises (Guilhas et Peyre/Labauche à Sedan). Une place à part doit être faite aux « usines textiles », qui souvent correspondent à de grandes installations, appelées « fabriques » sous l'Ancien Régime. Tous les sites les plus anciens une nouvelle fois sont ardennais, ou pour mieux dire, sedanais : usines Cunin-Gridaine, Labrosse-Bechet, et Montagnac. Deux sites bien connus ressortent du lot : la manufacture de drap dite des Gros-Chiens (1688), et bien entendu la manufacture royale du Dijonval (depuis 1646), laquelle a marqué le début de l'activité du tissage dans le sedanais.